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Un joyau roman au cœur du Périgord : origines et fondation de l’abbaye de Cadouin

L’abbaye de Cadouin s’impose au sud de la Dordogne, entre la bastide de Monpazier et la rivière Dordogne, dans un vallon discret. Sa fondation, en 1115, s’inscrit dans l’effervescence monastique du Moyen Âge, alors que la vallée attire les bâtisseurs cisterciens et bénédictins. C’est à l’initiative de Robert d’Arbrissel, fondateur de Fontevraud, que l’abbaye voit le jour, mais elle rejoindra dès 1119 l’ordre de Cîteaux, dans la mouvance réformatrice inspirée de saint Bernard.

La légende rapporte que l’emplacement aurait été choisi à l’endroit précis où un bœuf s’arrêta, tombant à genoux, lors du transport des matériaux de construction. Ce détail, anecdotique, montre combien ces lieux restent chargés d’imaginaires populaires (Source : Guide Vert Michelin).

  • Date de fondation : 1115
  • Fondateur originel : Robert d’Arbrissel
  • Ordre monastique : Cistercien (rattachement dès 1119)
  • Localisation : Vallée de la Couze, Périgord noir

L’âge d’or médiéval : une abbaye au cœur des pèlerinages et des influences religieuses

Au XII siècle, Cadouin connaît une notoriété exceptionnelle grâce à la relique du suaire, présenté comme le linceul du Christ. Cette présence attire pèlerins, donateurs et légats. Sa position sur l’une des branches du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle assure à l’abbaye une aura pan-européenne. Chaque été, des dizaines de milliers de croyants venaient y prier, propulsant Cadouin parmi les plus prestigieuses abbayes du Sud-Ouest.

Son rôle spirituel se reflète dans d’anciens textes religieux, mentionnant l’abbaye dès 1119 dans les Acta Sanctorum (Source : J. Roux, "Histoire de l’abbaye de Cadouin", 1984).

  • Pèlerinage majeur : sur la Voie de Vézelay vers Saint-Jacques-de-Compostelle
  • Afflux record : Plus de 30 000 pèlerins par an au XIII siècle
  • Influence : Alliances avec les puissantes abbayes de Moissac et de La Sauve-Majeure

Le cloître de Cadouin : chef-d’œuvre de l’art gothique flamboyant, classé à l’UNESCO

Aujourd’hui, Cadouin est mondialement connue pour son cloître, classé patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1998 au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France. Construit entre 1490 et 1512, le cloître succède à un ensemble roman plus ancien disparu. Le chantier dura près de vingt-cinq ans, initié sous l’abbatiat de Jean d’Authon.

Ce cloître frappe avant tout par l’élégance et la finesse de son décor sculpté : deux galeries s’ouvrent sur des arcs brisés fleuris, soutenus par des colonnettes torsadées, où l’on repère les motifs emblématiques du gothique flamboyant. Fleurons, frises végétales, animaux fantastiques et figures humaines singulières s’y côtoient, laissant deviner influences hispano-mauresques dans certains détails (voir Aurélie Trottier, "Cloîtres du Sud-ouest", Edition Sud-Ouest).

  • Période de construction du cloître actuel : 1490-1512
  • Maçon principal : Jean Ferrier, maître d’œuvre de Sarlat
  • Dimensions : près de 30 mètres de côté (soit 900 m²)
  • Statut UNESCO : inscrit comme site clé sur les Chemins de Compostelle depuis 1998 (voir UNESCO)

Au fil de la journée, le jeu de la lumière sur la pierre dorée confère au lieu une atmosphère toute particulière, propice à la méditation autant qu’à la contemplation artistique.

Une architecture sculptée, reflet des sociétés médiévales

La décoration du cloître multiplie les références aux cycles bibliques (Adam et Ève, lions, griffons), mais aussi aux métiers de la région. C’est dans ces modillons parfois facétieux que s’esquisse le quotidien des tailleurs de pierre, des paysans, des vignerons locaux. Certains chapiteaux, très expressifs, évoquent des scènes burlesques témoignant de la vivacité de l’imaginaire populaire au tournant du XVe siècle.

Les grandes heures et tribulations de l’abbaye : guerres, prospérité, déclin

Seigneuriale, puis royale, l’abbaye de Cadouin traverse les vicissitudes de l’Histoire. Durant la guerre de Cent Ans (1337-1453), elle subit pillages, incendies et occupations anglaises. Cependant, la communauté retrouve un second souffle à la Renaissance grâce à ses alliances politiques et à la renommée croissante de sa relique. La suppression des abbayes au moment de la Révolution sonne le glas du monastère : en 1791, il est vendu comme bien national, ses moines jetés sur les routes, ses archives dispersées.

  • Pillage de la Guerre de Cent Ans : 1345, destruction partielle des bâtiments conventuels
  • Renaissance : Reconstructions majeures du cloître (1490-1512)
  • Révolution : Dissolution en 1791, bâtiments vendus aux enchères

Une énigme et un scandale : l’affaire du suaire de Cadouin

L’histoire de Cadouin est indissociable de celle de son « suaire saint ». Longtemps considéré comme le linceul du Christ, le suaire fut expertisé en 1934 par le chanoine Pierre Sabatier, spécialiste des tissus anciens. L’analyse révéla qu’il s’agissait d’une pièce de lin ornée d’inscriptions coufiques, datée du XI siècle et originaire du monde islamique, probablement d’Égypte ou de Syrie. Ce n’était donc nullement le suaire de Jésus, mais un tissu précieux, ramené vraisemblablement lors des Croisades.

La communauté scientifique, bouleversée par la révélation, permit la restauration de la vérité historique au XX siècle. L’objet n’a pourtant jamais perdu sa dimension symbolique, devenant le témoin des croisements entre chrétienté et Orient, croyance et histoire (Source : Inventaire général du Patrimoine culturel ; Conseil départemental de Dordogne).

  • Expertise scientifique : Chanoine P. Sabatier (1934), Musée Guimet Paris
  • Origine probable du suaire : Égypte ou Syrie, début XI siècle
  • Fin de la vénération officielle : 1935

Sauvegarde, renaissance et rayonnement contemporain

Au XIX siècle, l’abbaye de Cadouin échappe de peu à une disparition complète. Elle bénéficie de la nouvelle législation sur les Monuments Historiques (1837) et d’une mobilisation locale remarquable. Les restaurations débutent vers 1840, portées par l’architecte Paul Abadie, puis poursuivies jusqu’aux années 1970. Le département de la Dordogne rachète progressivement les bâtiments et le site finit par devenir un haut lieu du tourisme patrimonial et spirituel.

  • Classement Monument Historique : 1840
  • Visiteurs annuels au XXI siècle : Environ 60 000
  • Evénements culturels : Concerts, expositions, stages de sculpture

Cadouin aujourd’hui : un site vivant, entre spiritualité, culture et patrimoine

En visitant l’abbaye et son cloître, l’on est frappé par la pureté du site, la cohérence entre architecture et paysage, l’harmonie des volumes. Lieu de ressourcement, Cadouin est à la fois salle d’expositions, site musical et étape majeure pour les randonneurs jacquaires et amateurs d’art gothique.

  • Accès toute l’année, visites guidées régulières (environ 45 minutes)
  • Partenariats avec les écoles pour des ateliers pédagogiques sur la sculpture médiévale
  • La rose du cloître, en pierre de taille, choisie comme emblème du site
  • L’atmosphère « aquarelle » des pierres éclairées au soir, un spectacle réputé des photographes

Perspective : Cadouin, bien plus qu’un monument

L’abbaye de Cadouin incarne la complexité d’un patrimoine vivant. Sa silhouette paisible abrite des secrets méticuleusement conservés dans la pierre et la mémoire orale. Cloître, abbaye, forêt environnante : chaque élément résonne d’histoires mêlant religiosité, art et luttes pour la préservation. Entre la rumeur du suaire et le silence du cloître, Cadouin reste un monument totalement à part, où le temps paraît s’arrêter, pour permettre au visiteur de mesurer la force des racines d’un territoire et l’audace de ses bâtisseurs.

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